Si vous êtes sénégalais, vous n’y avez probablement jamais pensé – parce que la plupart d’entre nous n’allons pas à ce niveau d’analyses… et c’est en soit, déjà un problème.
Et si vous êtes étranger, vous avez alors probablement dû, plus d’une fois vous demandez ce qui chez nous n’allait pas forcément bien, pour que tout le monde fasse semblant de ne rien voir !
Ce que je m’apprête à dire dans ce billet énervera bien évidemment la plupart de mes compatriotes. Mais comme j’ai la réputation de ne dire que ce qui devrait être TU… ceci doit justement être DIT : si l’indiscipline dans ce pays a atteint des sommets, c’est parce que chez NOUS, elle est récompensée !
Oui, tout à fait! Car à force de « soutoura », « massla » et de « mandou », la société sénégalaise renforce bien trop souvent les comportements déviants en rejetant toute possibles sanctions sociales.
Du coup, quand personne ne fixe de limites et que tout le monde est même prêt à «fermer les yeux», le culot se lâche et tant pis pour les autres.
Un exemple? Le classique : en circulation, tout le monde patiente au feu rouge. Quand soudain trois ou quatre intrépides (!) décident qu’ils sont passablement PLUS pressés que tout le monde et CERTAINEMENT plus malins… pour créer une deuxième file, mais dans le sens inverse de marche. Du coup, nos champions du monde, très peu gênés vont rouspéter que les automobilistes devant eux (et rappelons dans le sens contraire) devraient les laisser passer… parce qu’après tout, ils se sont déjà engagés et ne peuvent plus faire marche arrière. Non contents d’avoir fait un pieds de nez à tous les automobilistes qui suivent les règles, les malotrus viennent surtout empêcher les voitures du sens opposé de passer.
Dans n’importe quel autre pays, les resquilleurs seraient sanctionnés, voire corrigés –et leurs véhicules dégagés manu militari. Et bien ici, dans quasiment 80% des cas, et après beaucoup de polémiques, les automobilistes dans leur tort se verront ouvrir la voie par le Massla et le Soutoura pour leur éviter la honte ! Et pourront ainsi sortir glorifiés de cette incartade.
Renforcement positif d’un comportement négatif !
Toujours pas convaincus?! En famille, après un VOL ou un VIOL, …, la victime – oui, vous avez bien lu – est souvent amenée à passer sous silence l’ignominie qu’elle a subi sous prétexte du même fameux SOUTOURA et pour le respect d’autres convenances bien sénégalaises. Toutes les personnes sensées la défendre et la protéger viendront la sermonner et la sommer de «laisser couler», «de pardonner… soit-disant par charité chrétienne ou musulmane». Si elle insiste, elle sera tout bonnement rappelée dans les rangs : ses aînés lui intimant l’ordre de ne plus en parler.
Le bourreau? Il sera lui assuré du soutien indéfectible de LA famille qui, d’ailleurs, se montrera encore plus prévenante et à l’écoute du «pauvre chéri», pour sauver les apparences. Et gare à la victime si, elle se permet d’insister ou de tenter, ne serait-ce que d’ébruiter le délit et entacher la réputation de SA PROPRE FAMILLE.
Dans un langage plus simple, qui ne dit mot consent! Ne pas sanctionner revient à encourager un comportement pourtant condamnable et à pousser à recommencer : mieux, à suggérer à tous les autres qu’ils devraient l’imiter!
Hélas, des exemples nous en avons tous les jours… et nous les masquons, les couvons et laissons passer sous prétexte de ne pas « salir » l’honneur des rustres.
Malhonnêteté, escroqueries et dépravations en tout genre ont ainsi de beaux jours devant eux dans un pays qui sanctionne ceux et celles qui devraient être protégés et protège les faiseurs de troubles.
Voici le modèle de société dont nous avons hérité et que, docilement – comme nos aînés avant nous – nous nous engageons à léguer aux plus jeunes. Tout un projet !
2 Comments
Anonyme
18 août 2020 at 16 h 35 minBravo d’oser dire la vérité ! Pas facile au Sénégal , pour une femme surtout .
Diop
18 août 2020 at 23 h 16 minComme vous exprimez l indicible! Un grand talent. Bravo et merci.